Production d’électricité renouvelable : quelles perspectives pour le mécanisme des garanties d’origine ?
Avis d'experts
25 octobre 2022
Dans quelle mesure les garanties d’origine liées aux certificats d’électricité renouvelable peuvent-elles participer à la transition énergétique et accélérer la décarbonation de l’électricité ?
Décryptage dans le contexte européen…
Depuis une directive de 2001, les institutions européennes ont souhaité promouvoir l’électricité verte dans le cadre d’une économie de marché. Un mécanisme de marché contrôlé par une directive européenne a donc été mis en place pour valoriser les sources de production d’électricité qualifiées comme renouvelables. Sont exclues alors du dispositif l’électricité d’origine nucléaire et celle d’origine thermique (charbon, pétrole et gaz).
Donner la possibilité au consommateur de stimuler la production d’électricité d’origine renouvelable
D’abord appelées certificats d’électricité verte, les garanties d’origine ont évolué au fur et à mesure de leur extension à de nombreux pays européens. Néanmoins, en tant qu’utilisateur (particulier ou industriel), il est impossible de déterminer quelle est la provenance de l’énergie qui arrive jusqu’à une installation électrique. En effet, aujourd’hui, toutes les installations productrices d’électricité peuvent injecter de l’électricité dans le réseau, et il est dès lors impossible de tracer l’origine de l’énergie qui transite. Si des consommateurs souhaitent s’approvisionner uniquement avec de l’électricité d’origine renouvelable, d’autres mécanismes doivent être mis en place : c’est ici que rentrent en jeu les garanties d’origine.
Il s’agit d’un titre délivré par un organisme indépendant, permettant de certifier aux consommateurs que de l’électricité d’origine renouvelable est produite en regard de l’électricité consommée par l’utilisateur.
Comment s’articule la production et la consommation de garanties d’origine entre producteurs, consommateurs et certificateurs ?
Afin de prétendre émettre des garanties d’origine, un producteur d’électricité renouvelable va demander une accréditation à un organisme certificateur. Ces organismes interviennent à l’échelle nationale, mais ils sont tous associés à l’échelle européenne au sein de l’AIB (Association of Issuing Bodies). Une fois que le producteur est accrédité, il va pouvoir demander au certificateur la délivrance d’une garantie d’origine par MWh produit. Ce certificat est unique et identifié par un numéro unique contenant entre autres les indications sur le producteur, la date et l’heure de production du MWh, la source de production. Le producteur pourra alors vendre sa garantie d’origine sur un marché en plus de la vente de l’électricité produite.
Les fournisseurs d’électricité peuvent donc acheter ces garanties d’origines en plus d’acheter de l’électricité. Quand ils vendent un MWh d’électricité étiquetée renouvelable, ils vont consommer un certificat qu’ils vont annuler auprès d’un organisme certificateur. Cela leur permettra de proposer à leurs clients des contrats d’électricité 100% renouvelables, à condition que tous les MWh vendus à ce(s) client(s) impliquent une quantité équivalente de certificats annulés. En tant que fournisseur, il est possible d’acheter de l’électricité à un producteur (qu’il soit renouvelable ou non) et des garanties d’origine à un autre producteur.
Les certificats concernaient 13 pays en 2006 et ne représentaient que 66,5 TWh émis et 35,7 TWh consommés, pour atteindre jusqu’à 29 pays en 2020 avec 871 TWh émis et 828 TWh consommés (sur environ 7000 TWh d’électricité consommée annuellement sur la période). La croissance a été maintenue quasiment tout au long de ces années, avec une variabilité entre les pays. Nous pouvons constater que la répartition des pays émetteurs de certificats est différente des pays consommateurs : il est en effet possible d’importer et d’exporter les certificats.

L’intérêt pour les producteurs et fournisseurs
Comme il s’agit d’actifs commercialisables sur les marchés, les garanties d’origines peuvent être vendues et apporter une plus-value au producteur et au fournisseur, en plus de la vente d’électricité.
Cependant, le prix reste très faible : elle fluctue autour de 1 €/MWh, pouvant descendre parfois à 0,30 €/MWh et monter localement à 7 €/MWh, dû à des demandes localement plus faible ou plus élevée. A titre de comparaison, le prix de marché de l’électricité se trouve en moyenne à quelques dizaines d’euros par MWh, jusqu’à plusieurs centaines pendant l’hiver 2021-2022.
Nous pouvons donc affirmer que le surcoût impliqué par les garanties d’origine n’impacte pas significativement le prix de l’électricité, donc ce mécanisme n’est pas incitatif pour les producteurs. Cependant, pour les consommateurs, cela permet de souscrire à un contrat d’électricité verte sans avoir de surcoût significatif.
L’intérêt pour les consommateurs (particulier ou entreprise)
En plus du faible surcoût lié aux garanties d’origine, le mécanisme permet aux fournisseurs d’acheter de l’électricité sur le marché indépendamment de l’achat de la garantie d’origine, prix qui peut être inférieur au coût réel de production de l’électricité renouvelable. A contrario, il existe des contrats où le consommateur négocie directement avec un fournisseur d’électricité verte, dans lequel le consommateur paye l’électricité au prix proche de celui de la production.
Les offres 100% renouvelables liées aux garanties d’origine permettent donc au consommateur de souscrire à un contrat d’électricité verte à un prix compétitif, ce que permet la souplesse du mécanisme. Pour les entreprises tenant une comptabilité carbone, la souscription à un contrat 100% vert lui permet de consommer une électricité facialement décarbonée, en comparaison avec un contrat sans une telle contrainte.
Pour aller plus loin, certaines entreprises passent par un « green power purchase agreement » (ou green PPA). Selon la définition d’Engie, ce sont des contrats « à durée déterminée entre un producteur d’énergie renouvelable et un consommateur d’électricité ». Cela permet au consommateur d’avoir une électricité garantie d’origine renouvelable à la mesure de ses besoins et à prix contrôlé, et non aux prix fluctuants du marché. Pour le producteur, cela permet de sécuriser ses investissements en lui assurant un revenu garanti.
Quelles sont les réserves et les limites du mécanisme ?
Une critique récurrente du mécanisme est le fait que la source de l’électricité n’est pas celle de la source de la garantie d’origine. En ce sens, il est possible pour un fournisseur de vendre une électricité issue d’une source non renouvelable avec un certificat, et l’origine réelle de l’électricité est inconnue du consommateur. Mais ce mécanisme permet justement la souplesse dans la proposition des offres et chaque garantie d’origine consommée garantit la production d’énergie renouvelable dans l’année ou le mois passé.
Du fait de ce découplage, le mécanisme est également accusé de ne pas remplir sa mission de stimulation des installations d’électricité renouvelable. Même s’il garantit une égalité entre la quantité de garanties d’origine et le nombre de MWh d’électricité verte produite, il n’aurait aucun effet sur la production d’électricité et ne servirait donc qu’une logique d’affichage pour producteurs et consommateurs. En effet, d’après l’Observatoire de l’électricité (Magellan Consulting, 2021), beaucoup de certificats sont émis grâce à des sources renouvelables « historiques » : pour l’Europe, 66% des garanties d’origine sont issues de l’hydroélectricité. En France, le principal émetteur de certificats est donc EDF, et seulement 50% de la production d’électricité renouvelable donne lieu à des émission de garanties d’origines. Cela laisse une réserve conséquente d’émission de garanties d’origine sans avoir à installer de nouvelles sources d’énergie renouvelable.
La situation est similaire en Europe, ce qui entraine le coût bas des garanties d’origine, comme évoqué plus tôt. Cela permet de faire des offres compétitives, mais cela limite la stimulation par le prix de l’électricité renouvelable. Une augmentation jusqu’à 10 €/MWh permettrait d’avancer de 5 ans la rentabilité de marché des énergies renouvelables, ce qui n’est pas négligeable dans un contexte de réduction des subventions au secteur.
Aujourd’hui, le mécanisme commence à être perçu comme insuffisant par certaines entreprises, notamment du numérique. Ils souscrivent alors à un contrat de green PPA évoqué plus tôt, ou alors ils financent directement des projets d’énergie renouvelable.
Une autre limite des garanties d’origine est la décorrélation de sa durée de validité (un an, ramené à un mois en France en janvier 2021), et les exigences de la gestion du réseau, qui nécessite un pilotage en temps réel. En effet, il est possible d’émettre une garantie d’origine issue de panneaux solaires lors d’une journée d’été et de la consommer pendant une nuit d’hiver. Pour résoudre ce décalage, il peut être envisagé de raccourcir la durée de validité à une journée ou une heure, mais cela pourrait introduire des tensions sur le marché des garanties d’origine, jusqu’à faire pression sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Il est à noter également que le mécanisme des garanties d’origine ne permet pas de rendre compte de la nécessité de stockage et d’effacement des énergies intermittentes.
Quelles sont les perspectives et enjeux dans 5 à 10 ans ?
Une autre origine de pression sur l’offre pouvant survenir est le fait que la demande de certificats progresse plus vite que la croissance des énergies renouvelables. En effet, comme vu précédemment, la progression est ininterrompue depuis 2011, et jusqu’en 2030 nous pouvons anticiper une progression de 10% par an, ce qui est soutenable par rapport à la progression actuelle des sources d’électricité renouvelable. Cependant, l’étude de l’ADEME et de l’UFE a montré que des tensions peuvent apparaitre dès 2026 si la progression est de 20%/an, même si la durée de validité de la garantie d’origine reste mensuelle.
À la suite de l’adoption de la nouvelle taxonomie verte européenne, le nucléaire et le gaz sont considérés comme énergies de transition pour la lutte contre le changement climatique (sous certaines conditions). De ce fait, les garanties d’origine, qui ne concernent actuellement pas ces sources d’énergie, pourraient être amenées à évoluer ou à être complétées.
En plus de l’électricité verte, un mécanisme similaire a été appliquée au biogaz. Cependant, pour le biogaz, les directives européennes (2018) et les décrets d’application sont arrivés bien plus tardivement. De plus, le mécanisme a dû être adapté au marché du gaz, qui est assez différent de celui de l’électricité. Il est donc difficile d’évaluer à date l’impact de ce mécanisme, mais nous pouvons dire qu’il est amené à prendre une place plus importante au vu de la volonté politique d’accentuer la transition énergétique et du rôle que le gaz peut jouer dans cette transition.
En 2021, une ordonnance pour mettre en place un mécanisme des garanties d’origine pour l’hydrogène vert a même été promulguée.
Auteur de la tribune
Sébastien Schinella, Consultant Senior Energie
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