Intégration de l’IA en entreprise : Comment la réussir durablement ?
Avis d'experts
12 novembre 2024
Comment réussir son intégration ?
Dans une ère numérique où l’intelligence artificielle (IA) redéfinit les frontières de l’innovation et de l’efficacité, sa naturalisation au sein de la culture d’entreprise devient un enjeu stratégique fondamentale.
L’IA, n’étant pas une fin en soi, doit coexister avec des pratiques éthiques ancrées pour réaliser pleinement son potentiel tout en s’harmonisant avec l’ADN de l’organisation.
En effet, comme nous l’avons vu dans notre précédent article, « il est essentiel de mettre en place des cadres éthiques solides pour guider le développement de l’IA et minimiser les risques ».
Comment gérer l’intégration de l’intelligence artificielle avec la culture d’une entreprise tout en contribuant à améliorer son efficacité et à encourager l’innovation ?
L’IA : Un Catalyseur de Performance et d’Innovation
Les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent grâce à l’intelligence artificielle (IA) profiter de nombreux avantages :
- Simplifier des tâches complexes et répétitives pour trouver des gains d’efficacité
Exemple : UiPath est un leader dans le domaine de l’automatisation des processus. Leur plateforme utilise l’IA pour automatiser des tâches répétitives et complexes telles que la saisie de données, la génération de rapports, et la gestion des flux de travail. Par exemple, les entreprises utilisent UiPath pour automatiser les processus de facturation et de traitement des demandes de remboursement, ce qui réduit le besoin d’intervention humaine et améliore l’efficacité. - Améliorer l’efficacité des process et diminuer leurs coûts
Exemple : Amazon utilise des systèmes d’IA avancés pour la gestion des stocks, l’optimisation des entrepôts, et la planification des livraisons. - Proposer des outils pour de nouveaux services
Exemple : NVIDIA développe des solutions matérielles et logicielles pour le calcul haute performance, notamment les GPU et la plateforme CUDA. Ces outils sont utilisés pour entraîner des modèles d’IA complexes, accélérer l’analyse des données et soutenir le développement de nouveaux services dans des domaines comme la conduite autonome, la réalité virtuelle, et l’intelligence artificielle pour les entreprises. - Analyser et exploiter les données issues du Big Data (mégadonnées)
Exemple : Netflix utilise des algorithmes d’IA pour analyser les données de visionnage de ses utilisateurs afin de recommander des films et des séries. Les modèles d’apprentissage automatique traitent des milliards de points de données, y compris les préférences de visionnage, les évaluations et les comportements de navigation, pour proposer des recommandations personnalisées qui augmentent l’engagement des utilisateurs. - Optimiser les campagnes marketing et l’affichage ciblé
Exemple : Facebook Ads emploie l’IA pour le ciblage publicitaire. Le système utilise des algorithmes de machine learning pour analyser les données des utilisateurs et déterminer quels types de publicités seront les plus pertinentes pour eux. - Améliorer le service client : chatbots (dialogueurs), assistances virtuelles, etc
Exemple : Zendesk utilise l’IA pour alimenter des chatbots et des assistants virtuels qui répondent aux questions fréquentes des clients, ce qui aide à réduire le volume des demandes adressées aux agents humains.
Les entreprises cherchent aujourd’hui à intégrer l’IA pour transformer leurs business models et gagner en compétitivité.
C’est le cas de Stitch Fix (société de service de stylisme personnel en ligne) qui couple une IA analysant les préférences de style et l’historique d’achats du client, avec un styliste physique qui sélectionne les vêtements adaptés. Etant donné que pour les acteurs du secteur de l’industrie textile il est crucial de proposer une expérience d’achat personnalisé, l’apport de l’IA en ce sens peut avoir un impact extrêmement positif.
Un outil au service des missions et des valeurs de l'entreprise
Cependant, l’IA est un outil qui peut être perçu, du fait de sa nature (une machine capable de simuler l’intelligence humaine), comme une menace déshumanisante et un concurrent dangereux pour les collaborateurs. Elle pourrait dans certains cas constituer un obstacle à la pérennisation de la culture d’entreprise.
Concernant le risque de suppression d’emplois, l’IA est un vecteur d’efficacité opérationnelle qui n’a pas vocation à remplacer systématiquement l’homme. Bien qu’elle soit en mesure d’automatiser certaines tâches, il existe des emplois qui nécessitent de la créativité, de l’intelligence émotionnelle et des capacités de prise de décision que l’IA ne peut pas imiter.
Par ailleurs, l’IA doit être supervisée par l’Homme car ses propositions ne sont pas toujours cohérentes ou pertinentes.
Enfin certains aspects professionnels profondément humains ne sont pas remplaçables par l’IA. D’après une étude du HBR, les salariés ne croient pas véritablement que l’IA soit davantage capable que les managers humains de mieux comprendre les comportements humains dans l’entreprise (57 % ne lui font pas confiance à cet égard). La conscience de soi et des autres, la compassion et la sagesse sont les caractéristiques essentielles d’un excellent leader humain que n’a pas l’IA.
Pourtant, lorsque qu’une culture d’entreprise est orientée vers l’innovation, l’intégration de l’IA dans la stratégie globale d’une organisation est un formidable catalyseur de performance. Elle va notamment permettre de renforcer l’apprentissage continu de nouvelles compétences pour ses salariés et augmenter le taux de tâches à haute valeur ajoutée.
Les principaux défis de l'adoption de l’IA
L’IA séduit les entreprises, mais son adoption reste limitée. C’est ce que montre une étude menée auprès de 240 dirigeants (DG, DSI, CDO, DAF et DRH), dont 60% issus d’entreprises de plus de 500 salariés. 34% utilisent ou ont engagé un projet pilote de services ou applications d’IA. 28% ont seulement initié une réflexion à ce sujet.
Les principaux obstacles au déploiement de l’IA cités par les organisations sont :
- Le déficit de connaissances dans ce domaine
- Le défaut de formation des équipes.
- La résistance au changement en interne
- Le manque de visibilité quant au retour sur investissement.
- La réglementation stricte en matière de traitement et protection de données (RGPD…)
- Les craintes liées aux algorithmes
- Les craintes liées aux cyberattaques
En effet, si le potentiel innovant de l’intelligence artificielle est incontestable, son intégration dans le tissu professionnel n’est pas exempte de défis. La résistance au changement est un aspect psychologique profondément humain qu’il convient d’appréhender avec finesse. Les équipes peuvent craindre que leur rôle ne soit minimisé, voire rendu obsolète par ces technologies disruptives.
Pour les collaborateurs, un des principaux obstacles est la méfiance envers les outils d’IA. « En France, 39 % des salariés évoquent des préoccupations relatives à la protection de la vie privée, tandis que 35 % s’inquiètent de la qualité et de l’exactitude des données traitées par l’IA ».
« On constate aussi un gap générationnel : 55 % des travailleurs à travers le monde, âgés de 18 à 29 ans se déclarent eux enthousiastes à l’idée que l’IA et l’automatisation puissent prendre en charge certaines parties de leur travail, contre seulement 33 % des travailleurs âgés de plus de 60 ans. »
En septembre 2023, la société Onclusive spécialisée dans l’analyse des médias et la communication a annoncé se séparer de près de la moitié de ses équipes vouées à être remplacées par un logiciel d’intelligence artificielle. La nouvelle a pris de court les salariés qui ont vu en ChatGPT un remplaçant potentiel. La décision d’Onclusive a ravivé l’idée selon laquelle l’IA signerait la fin de l’emploi. Celle-ci s’appuie notamment sur une étude de Goldman Sachs, parue en avril de la même année. Cette dernière soulignait que « près des 2/3 des emplois américains étaient exposés à une automatisation via l’IA ». Et que, dans les emplois concernés, l’IA « remplacerait 25% à 50% des tâches ».
Cependant l’étude stipulait également pourtant que « l’ensemble des tâches automatisées ne se traduiraient pas par des licenciements ». Les auteurs expliquaient même clairement que « la plupart des emplois et des industries ne sont que partiellement exposés à l’automatisation et sont donc plus susceptibles d’être complétés par l’IA générative que remplacés ».Une vision partagée par Florian Douetteau, fondateur de Dataiku (société spécialisée dans la science et l’exploitation des données) qui affirmait que « l’IA est à l’intelligence humaine ce que la fast food est à la gastronomie ». Comprendre : il y a de la place pour tout le monde.
Faire adhérer l'IA à la culture d'entreprise
En vérité l’IA est plus souvent victime d’idées préconçues comme celles citées précédemment, qui inspirent la crainte des employés.
Pour prévenir la désinformation et la peur qu’elle suscite, il vaut mieux envisager de déployer des programmes d’initiation à l’IA à l’échelle de l’entreprise. Ce n’est pas seulement théorique ; par exemple, une enquête PwC de 2020 a montré que de nombreux PDG reconnaissent le besoin pour leur main-d’œuvre de développer des compétences en IA.
En informant les collaborateurs sur les opportunités offertes par l’IA, cela aidera à construire une culture qui considère l’IA comme un outil et non comme une menace. La connaissance apaise la peur et invite à la collaboration.
Il est important de communiquer auprès des collaborateurs sur le fait que l’IA ne va pas les remplacer, mais au contraire, les assister durant le tiers de leur journée passé à des tâches qu’ils considèrent comme « peu valorisantes » et « sans intérêt pour leur travail ». Les salariés utilisant l’IA ont rapporté une amélioration de 81 % de leur productivité et une satisfaction globale plus élevée de 24 %.
(source : Harvard Business Review Aout 2024).
Parmi les leviers les plus importants et efficaces :
- Leadership et Vision : L’importance d’une vision claire portée par les leaders pour intégrer l’IA à la culture d’entreprise.
- Formation et Sensibilisation : Former les employés à utiliser l’IA dans leur quotidien professionnel et démystifier la technologie. Salesforce, par exemple, a mis en place des modules de formation spécifiques pour tous les niveaux de collaborateurs, facilitant ainsi une compréhension pratique et théorique de l’IA.
- Inclusion des Employés : Comment impliquer activement les équipes dans l’adoption de l’IA pour réduire les résistances.
- Culture d’Innovation : Encourager l’expérimentation et l’innovation pour créer un environnement favorable à l’IA. La totale adhésion des managers est cruciale pour créer un environnement de confiance et encourager l’expérimentation de l’IA.
- Ethique et Transparence : Intégrer des principes éthiques pour assurer une adoption responsable de l’IA.
Conclusion
Pour que l’IA ait un impact réel sur la productivité d’une organisation, son adhésion à la culture de l’entreprise ainsi que son adoption auprès des collaborateurs sont fondamentales.
L’IA constitue un vecteur de productivité et d’innovation pour l’homme, qui sera lui-même garant de son fonctionnement.
Malgré ce constat, des réticences sont à prévoir de la part des collaborateurs, dues aux craintes et préjugés concernant l’IA et la prétendue menace qu’elle pourrait représenter.
Il est important que l’intégration de l’IA dans l’entreprise soit portée par la hiérarchie, qui a pour mission de faire prendre connaissance des bénéfices de l’IA. Car c’est d’abord en comprenant cet outil que les collaborateurs adhéreront à l’IA et la culture d’innovation qu’elle porte. Une communication adéquate ainsi que des parcours d’accompagnement et de formation adaptés favoriseront la bonne intégration de l’IA et ainsi faciliter les performances de l’entreprise.